La création de l’école
La création de l’école des sourds-muets de Bordeaux
Suite à sa rencontre à Paris avec l’abbé de l’Epée, l’archevêque de Bordeaux Monseigneur Champion de Cicé décida d’établir une Institution pour les sourds-muets à Bordeaux en 1785. D’abord dirigé par l’abbé Sicard, jusqu’en 1790, l’école de Bordeaux ne dut pourtant sa pérennité qu’au dévouement de l’instituteur Jean de Saint-Sernin, directeur de l’établissement de 1790 à 1816, date de sa mort.
Primitivement installé dans un immeuble de la rue Capdeville, les vingt-deux enfants se trouvèrent rapidement à l’étroit dans des locaux vétustes et insalubres. Ils déménagèrent une première fois en 1792, dans une aile du couvent des Minimes (1). Ce nouveau bâtiment se révéla rapidement trop petit, suite au décret de la Convention nationale qui instaura la création de soixante places gratuites dans les établissements nationaux de Bordeaux et Paris.
Le choix de nouveaux locaux se porta alors sur la maison nationale des Catherinettes, suite au rapport de l’architecte Combes, chargé de trouver un nouveau site : « Cette maison a paru convenable pour recevoir cet établissement sous plusieurs rapports : 1° Sa situation très éloignée du commerce et des beaux quartiers ne permet pas qu’on puisse tirer un parti avantageux de ce local. 2° Ces bâtiments sans être très considérables sont heureusement disposés pour recevoir le nombre des élèves au moyen de quelques légères réparations…3° Enfin cette maison est dans un lieu très salubre, considération essentielle pour la santé des individus qu’elle doit recevoir… »(2)
Le déménagement était effectif au début de l’année 1797, comme le relata Saint-Sernin dans un courrier du mois de janvier adressé au ministre de l’intérieur : « Je vous annonce que l’établissement est transféré au Catherinettes.
J’ai fini de déménager le 8 du courant et le 10 le garde-magasin de l’hôpital militaire m’a délivré tous les objets d’ameublement portés sur l’état… » Dès lors de nombreuses campagnes de travaux furent entreprises, car contrairement au premier rapport de Combes de 1796, les bâtiments se trouvaient dans un état beaucoup plus dégradé que prévu : « Les bâtiments dans lesquels est établie l’école sont très anciens ; la plupart sont dans un tel état de vétusté qu’ils font craindre leur chute… ».
Pendant plus de trente ans les campagnes de travaux et les projets se multiplièrent, sous la direction de Combes, puis sous celle d’Antoine Robert, ingénieur de la voierie et architecte de l’Institution. Les travaux entrepris s’attachèrent d’une part à consolider et à maintenir en état les bâtiments existants, et d’autre part à redistribuer l’espace de manière cohérente et fonctionnelle.
Projet de reconstruction, 1824.
En 1822, un projet concernant la création d’une nouvelle façade sur la rue fut établi par Robert. Les travaux seront finalement entrepris en 1824. Mais dès 1825, ces travaux se trouvèrent ralentis par un projet municipal de voierie consistant à prolonger la rue Saint-Martin. Parfaitement visible sur les plans, ce nouveau tracé devait entrainer la destruction de la chapelle et d’une partie des anciens bâtiments conventuels.
Tracé des nouvelles voies à ouvrir, travaux mis en œuvre lors de la construction de l’institution.
Au début des années 1830, les administrateurs de l’Institution des sourdes-muettes constataient que les nombreuses campagnes de travaux menées dans l’ancien couvent des Catherinettes afin de le consolider et de le maintenir en état, n’avaient pu endiguer la lente dégradation du bâtiment. Jugé insalubre, inadapté à sa destination et trop exigu pour une population toujours plus nombreuse, on décidait de le transférer en un lieu plus approprié.
Pour ce faire, administrateurs et professeurs rédigeaient un programme (3) faisant état des besoins mais aussi des contraintes d’un établissement à vocation éducative recevant des jeunes gens des deux sexes souffrant de surdi-mutité ; pour l’heure, aucun site n’était retenu pour voir s’élever cette nouvelle construction. La Commission administrative confiait alors à l’architecte du département Adolphe Thiac (4), la mise au point de ce projet.
(1) A. D. Gironde : 4 L 123.
(2) A. D. Gironde : Série X (non côté), établissement des sourds-muets ; liasse B
(3)Archives Nationales. F 21 1666.
(4) Adolphe Thiac (Bordeaux 1800-1865) est d’abord élève de son père, Pierre-Jean-Baptiste dit le jeune, puis d’Arnaud Corcelle avant d’intégrer en 1819 l’école des Beaux-arts de Paris. A l’issue de sa formation, il voyage en Italie et en Sicile. De retour à Bordeaux en 1825, il commence une oeuvre où se prolonge jusque vers la fin du Second Empire ce néo-classicisme italianisant qui reste une des caractéristiques de l’architecture de la Monarchie de Juillet. Ce choix se manifeste d’abord dans la commande privée : maison d’Elie Charles (4 rue Hustin), hôtels Barennes, Pairier et Bouscasse (23, 35 et 37 allées de Chartres) et Bazar bordelais (angle des rues Arnaud-Miqueu et Sainte-Catherine). A la faveur du changement de régime, Thiac est nommé architecte en chef du département de la Gironde, le 6 novembre 1830. Chargé de la direction des travaux d’entretien, de restauration et de construction des édifices civils et religieux, il assume cette lourde tâche jusqu’en 1855. Parmi les nombreux dossiers qui aboutirent à la construction d’une douzaine d’édifices remarquables – auxquels il faudrait ajouter un nombre important de travaux de restauration et d’appropriation et une centaine de projets divers – figurent le palais de justice et les nouvelles prisons de Bordeaux. A ce riche bilan architectural s’ajoute aussi un rôle important dans la vie publique bordelaise : en 1840, il rejoint pour quelques années la Commission des Monuments et Documents historiques de la Gironde ; de 1843 à 1852, il est conseiller municipal puis adjoint au maire ; alors qu’il appartient depuis 1841 à la Société centrale des architectes, il participe en 1863, aux côtés de quelques collègues bordelais, à la fondation de la Société des architectes de Bordeaux et en occupe la présidence jusqu’en 1865, année de sa disparition.